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10 février 2016

Luciole Funambule

Route du nouveau monde, Normandie. Stéphanie Piequet

 
- Sauvage c'est être ancré dans la vie, être en contact, lucide, éveillé tel un loup au clair de lune qui attend pour hurler, éveillé tel un aigle dans son regard transpercent, éveillé tel un chat fixé sur sa proie, éveillé telle une biche au moindre son dans la forêt, telle une fleur disponible à l'éclosion.
Prêts. Ici. Là. En connexion. Avec le monde. Les autres. Autres hommes. Autres bêtes. Autres vivants. Terre, Mer.


Je réclame non plus la liberté, mais la libération.


Je suis emprisonnée depuis trop longtemps maintenant. Vous aussi, je le sais.
Nous avons ce droit. Non pas ce Droit des Hommes, mais ce Droit Naturel, qui nous est acquis à la naissance sur Terre. Comme tout ce qui est vivant.


Tu prendras peut-être une vie, mais tu lui dois l'échange d'un signe vivant qui reconstitue la chaîne du Grand Esprit.
Dans chacun de tes actes se reflète l'Histoire tout entière disait N. Quelle histoire/Histoire ?
Elle bégaie cette histoire, plus rien ne change, ou plutôt tout change très vite et donc s'annule, nul
nul nul nul.


Il nous faudrait un retour à l'année zéro, qui y était ? Hommes et autres vivants, témoignez-nous sur cette période de vie. J'ai ce souhait viscéral d'y retourner. Sur cette Terre moins abîmée, matrice de tout, elle respirait ! Nous étions - quoique nous étions - de véritables vivants. Nous avions tout à découvrir, l'air se humait pour la première fois, les eaux pures nous appelaient en leur lit, la mer chantait les vagues pour nos oreilles encore vierges de musique, les plaines espéraient le sabot du cheval fou, la forêt était encore un mystérieux secret à percer.


Dans le creux du coquillage, j'entends cette histoire passée, qui vit encore. Elle est vivante. Elle vit,
encore. Elle parle au moins. Elle est enfouie, demande à être déterrer, trouver, mais elle existe. Dans le creux d'une caverne oubliée, tu la trouveras, silencieuse en apparence, puis si tu te mets à l'écouter, elle parlera sur les siècles et les siècles.
Tu entendras cette réalité qui peut ressusciter d'entre les morts, nous les morts du XXI ème siècle, et recevras la claque que nous méritons. Nous sommes responsables de Tout. Je l'avoue, moi aussi, j'ai vécu comme une morte-vivante, et j'ai nourri ce système-fantôme créé de toutes pièces, or il est démontable pièce par pièce comme un jouet pour enfant, il est neuf au regard de la Terre notre Ancêtre, il va s'écrouler.
Cela arrive, écoute, écoutez, ce son qui siffle en permanence, ce bruit de fond que nous percevons
tous mais que nous ignorons pour nous protéger de la vérité.


La Vérité effraie toujours mais elle efface les ombres.


Ce monde d'ombres doit disparaître comme chaque chose, pourtant cette fois plus vite que les autres choses car il n'a aucune lumière, et ce qui en est dépourvu ne vit pas.
Ainsi, pourquoi parvenons-nous à vivre sans lumière ? Comment, aussi, cheminons-nous dans le noir sans tenter de nous munir d'une torche ? Essayons-nous déjà ? Nous accrochons-nous, becs et griffes aux parois lisses de la grotte où nous sommes séquestrés ? Qui décide pour nous ? Avons-nous la volonté de monter vers le Soleil et de sortir nos corps sous ses rayons ? Rêvons-nous encore ? A autre chose qu'à nos réussites matérielles ? Pensons-nous à l'Autre, autre qu'à notre famille proche ? Pensons-nous ? J'entends nos pensées, elles ne sont pas toujours sauvages. Elles devraient pourtant l'être, en ce moment. En ce moment de l'histoire, surtout.


Le saccage de nos émotions gâche et attente à notre pensée.
Elles sont utilisées, réutilisées, usées, vidées de leur substance.
ON nous les prend, on nous les donne, on nous les ordonne, on nous les approprie, on nous les simule, on nous les joue, on nous les insinue, on nous les vole, on nous les viole, on nous les assassine, on nous les saigne, on nous les pourrit, on nous les prostitue, on nous les confectionne sur mesure, on nous les anéantit, on nous les doit.


La bienveillance subversive, voilà ma devise aujourd'hui.
La vraie. Pas la gentillesse mielleuse, la pitié des mauvais, la connerie des faibles ou la charité fausse.
La bienveillance. Envers soi, les Autres, les vivants et la Terre.
Celle qui élève la lumière sous les yeux des pervertis au système et remet chaque chose à sa place.


Bon / Bonne est devenu un mot désué et dénué de son sens héroïque.
Peu de personnes encore bonnes par âme sincère.
Peu celles qui écoutent leur coeur et le suivent en fermant les yeux.


Certes, j'en vois parfois, elles paraissent alors telles des comètes dans notre sphère et disparaissent dans le flot des légendes. Elles peuvent être emmédaillées et portées bien trop en lumière pour des Hommes, il en résulte un vague confusion embrumée qui salit toute la bienveillance naturelle et spontanée de ces simples humains, comme les autres. Les (faire) connaître est une bonne chose, les mener au sommet avec fanfares et dollars en est une autre.
Elles en perdent leur aura. On leur prend leur bonne âme sans le savoir.


Si demain, je trouve le secret du retour à la vie sauvage, la vie en l'an zéro, je le sèmerais discrètement autour de moi, aux vivants prêts pour cela.
Petit à petit, nous prendrons un chemin sans pas et nous marcherons longtemps jusqu'à cette nouvelle Terre. Je la vois très bien cette terre.
Elle est brune, blonde et rousse, de toutes les nuances que la chevelure d'un cheval peut avoir, le chemin longe la rivière qui traverse de part en part la Terre, cette nouvelle Terre-Année zéro, qui est en fait une libération, une résurgence de l'ancienne et très vieille Terre, nous avons simplement su la découvrir et la ramener à la vie, dans nos vies, pour la vie.


Je m’enflamme un peu,


je suis en route vers le bonheur, sans vouloir le nommer et sans le savoir.
En route vers Un Avenir, oui, il en existe un.


Quelque part, sous nos yeux, sous nos pieds, au-dessus de nous qui sait, sous la main, dans nos mots, dans nos pensées il existe.
Je le vois je l'appelle sans cesse, à apparaître, assez prochainement, car je ne tiendrai pas, nous, vous, non plus, je vais certainement mourir, un jour certainement, une nuit de sommeil, ou une nuit de folie, d'une mort bête, toujours dommage de mourir, je veux vivre jusqu'à ce jour de ma libération.
En aurais-je la force ? Et vous ? Le temps ? Tout va vite mais rien ne change, pour moi c'est un miroir du changement, une illusion .
Le sens de la vie n'est pas au bout de cette course sans fin. Le sens n'y est pas non plus.
« Nous sommes la Terre ».
Quand il n'y aura plus de supports à cette illusion, pourrons-nous enfin vivre ? Je veux dire réellement vivre.


Respirer pour la première fois. Voir pour la première fois. De nouveau aimer.


Être prêt c'est essentiel.


Je le suis. J'ai l'esprit sauvage, éveillé, en attente, il sera vif au signal du départ vers le chemin sans pas, vers la Terre nouvelle, promise si l'on veut.
Promise à quoi. A qui ?
Si de nouveau, ON s'en empare, cette fois nous le saurons, il ne restera plus qu'à barrer la route à celui-là, à ceux-là, qui n'ont pas d'âme, pas l'humanité des animaux, pas la liberté des esprits de la nature, pas la candeur des nouveau-nés, pas le regard des chiens affranchis, ni la lumière des étoiles qui filent, rien ne sauraient les sauver ceux-là.
Or, je suis si triste pour eux. Je les aime, je les aimais. Ils étaient mes frères. Ils ne sont plus que l'ombre de leur aveuglement, esclaves enchaînés par eux-même, chercheurs de trésors inutiles et encombrants, ils ne bougent plus, ils sont morts.
Comme je l'ai été.
C'est pour cette raison que je les aimais. Je comprends cette facilité qu'ont les aveugles domestiqués, ils ont perdu la boussole et leur regard s'est perdu loin du ciel, ils se sont égarés dans la boue de l'éphémère argent, métal et papier de chagrin. En signant ce contrat, tu pactises avec la mort. En brûlant mon propre contrat, j'ai repris ma liberté, mais ce n'est pas si facile.


Le faire avec l'idée en tête de la lumière au bout, du chemin sans pas, de la nouvelle Terre. Car si le contrat brûle sur des cendres d'argent, l'or de la lumière te mangera les doigts, les yeux et ton âme, plus jamais tu ne verras la sortie de ta grotte, plus jamais tu ne connaîtras le secret du lieu caché, Terre promise. Ton tipi secret demeurera un rêve que tu n'auras même pas eu le temps de faire avant que ne finisse de se consumer ton morceau de papier. Les rêves que tu faisais enfant te seront repris et ils partiront en fumée dans ta tombe, ton histoire ne sera contée par aucune famille, aucun vivant, tu seras une deuxième fois mort.

 


Je rêve !
Je suis parvenue au bout du chemin sans pas. Elle est là la lumière !
Tout est là.
Tout est revenu.

 


L'an zéro commence par un salut au Soleil et je me mets à faire des songes encore jamais espérés.


La beauté m'apparaît nette, sans filtres, sans illusions, vraie.


Je n'ai jamais vu de gens heureux avant cet instant.


Mon enfant me tient la main, elle reste muette d'une musique intérieure que j'entends.


Tous les mots reviennent.
Ils désignent les choses pour la première fois.
Nous avons le choix de nommer chaque chose nouvelle.


Nous avons le droit de nous nommer nous-même.
Mon enfant choisit le nom de Pensée Sauvage,
elle est parfaitement son nom.
Je me nomme Luciole Funambule. Je changerais peut-être de nom si ma vie me le propose.


Ici, tout est possible, nous foulons la Terre pour la première fois.


Je voltige entre les pâturages pour ensuite me laisser tomber dans les hautes Herbes, d'un vert étincelant, près desquelles coule une Rivière luminescente et musicienne. C'est là que nous mangerons chaque soir auprès du feu. Nous danserons jusqu'à la transe, jusqu'à la liberté de nos Esprits-Totems, nous chanterons jusqu'à effrayer les loups, nous pâlirons sous la Lune, nous rayonnerons sous le Soleil, nous harmoniserons nos instruments pour qu'ils raisonnent en choeur chaque nuit, et chaque jour quand nous partirons en quête de nourriture, nous invoquerons le Grand Esprit qu'il nous protège pour toujours de nos viles pensées serviles, nous lui offrirons le soin qu'il mérite en cultivant la terre modérément, nous dormirons sous un tipi secret, nous nous aimerons lovés dans des peaux, nous rêverons d'un cygne avec un aigle donnant naissance à un ygle, d'un ours et d'un humain qui ne serait pas mis au banc de la tribu, nous porterons autour du cou un talisman en pierre forgée dans la flamme, nous serons immunisés de nos cauchemars anciens par l'esprit d'un animal avec lequel nous ferons alliance, nous serons soignés par l'eucalyptus et le citronnier, nous ne verrons plus de gris dans nos ciels hormis celui de la pluie, nous boirons l'eau des sources, nous nous laverons à la rivière, nous adorerons vivre chaque seconde unique, nous serons sauvages.


J'ai r^vé éveillée

 

© SP

 

 

 

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